Picture of Tewfik Hammoudi

Tewfik Hammoudi

Intelligence des territoires : réinventer la participation

Pour qu’un groupe, une communauté, une famille même puisse exister, évoluer et perdurer, la participation de chacun de ses membres est requise. Et cela, indépendamment des systèmes hiérarchiques mis en place ou préexistant en leur sein. Il doit en aller de même au sein d’écosystèmes plus grands – les territoires – considérés comme étant trop complexes à gérer. 

Cette notion de complexité est souvent avancée par celles et ceux qui cherchent à imposer leurs règles et leurs modèles. Elle est aussi parfois le signe d’un manque de courage face au réel qu’ils veulent absolument éviter de voir bouleversé. Dans les deux cas, il s’agit à l’évidence d’une perception fondamentalement faussée ! 

Car la complexité est en effet une donnée qui s’applique à tout ensemble, aussi peu peuplé soit-il. La confronter est une nécessité, une obligation même. Mais il s’agit aussi d’un défi porté à notre intelligence collective, qu’il convient de relever en inventant de nouveaux outils.

Co-construire l'espace public

L’individu, en soi, est déjà la somme de nombreuses tensions, héritées, cultivées convergentes et divergentes. Chacun, chacune d’entre nous est le résultat des décisions que nous prenons, en temps réel. Le résultat de préférences, d’orientations personnelles également qui nous rendent singuliers et capables de participer à la vie citoyenne. Exclure quiconque d’entre nous de cette participation s’apparente à un manquement aux principes fondamentaux de démocratie.

architecture construction ville urbanisme
Copyright © @Vincent Fournier, tous droits réservés

Qui dit vie citoyenne, se réfère obligatoirement aux lieux de rencontre des individus, formes multiples et changeantes de l’espace public. Ce territoire étendu est, par nature, partagé. Souvent pacifiquement, parfois de manière revendicatrice pour ne pas dire belliqueuse pour servir des intérêts personnels ou corporatifs.

Mais qui dispose du privilège, et de la responsabilité, de l’organisation du territoire, de ses mutations, de sa gestion quotidienne ? La réponse à cette question devrait être simple : chaque citoyen vivant sur le territoire. Or, dans les faits, on est loin du compte. Les projets d’aménagement des espaces publics sont souvent réalisés sans l’aval de leurs habitants et, parfois, à leur détriment.

Pour remédier à de telles situations dont certains profitent et d’autres pâtissent, la technologie apporte sa contribution précieuse. Elle peut faciliter et rationaliser l’accès et le partage des informations qui y sont associées au bénéfice de chaque citoyen. Mais pour cela, il faut veiller à en simplifier l’usage. L’enjeu est de privilégier la gouvernance des données par rapport aux technologies elles-mêmes.

Le principe de gouvernance participative

Habiter un territoire nécessite à l’évidence un soin et une attention de tous les instants. Que cette occupation soit perpétuelle, temporaire ou intermittente, l’entretien du territoire, son aménagement, incombe aux institutions, collectivités, mairies… Ces dernières mandatent des partenaires privés et publics pour s’y atteler.

Elles disposent pour cela de nombreuses informations, des données qui leur permettent de prendre leurs décisions. Mais ces données, aujourd’hui, sont systématiquement incomplètes, lacunaires et en silos fermés. Les experts ne considèrent pertinente qu’une infime partie des données pour chaque projet.

Or, cette approche foncièrement subjective génère, jour après jour, des crispations, blocages voire parfois des dégâts symboliques, économiques et sociaux. En résultent, à chaque fois, quel que soit le contexte, des projets insatisfaisants. C’est pourquoi les processus décisionnels nécessitent d’être complètement revus. Ils doivent être élaborés à partir d’une conception quasi universelle de l’information appartenant à chacun et partagée par tous.

Car le citoyen possède une expérience personnelle et des connaissances du territoire puisqu’il y vit. Il y a construit ses habitudes, ses stratégies de rencontre et d’évitement en fonction de préférences intimes. Il le connaît, à sa manière, aussi bien que son voisin, de manière à la fois singulière et commune.

Ce qui lui manque aujourd’hui c’est la capacité de transmettre et partager les informations qu’il détient. Ces informations transformées en données critiques qui devraient absolument être intégrées à un modèle systémique intelligent. Pour qu’il puisse participer à un récit commun du territoire en constante mutation et être ainsi véritable acteur du changement.

Tewfik Hammoudi - Copyright © @Vincent Fournier, tous droits réservés

S.of.T-lab : accepter les singularités et favoriser l'échange

Participer ne se résume pas à voter, à donner son avis mais à s’engager activement dans la construction du réel. Il faut ainsi aller au-delà de la consultation citoyenne et proposer de véritables outils d’intégration. Des outils pour permettre d’incarner le territoire, d’accepter ses contradictions et d’y faire coexister toutes les singularités.

Car un territoire ne peut se transformer en arène de confrontation entre visions opposées. Il doit être un espace où chacun trouve sa place parmi les autres, êtres et choses. Il ne s’agit pas de nier les différences, mais de les articuler autour d’un langage commun. Construire une société harmonieuse implique ainsi de transformer la somme des individualités en une multitude connectée.

Pour cela, il faut développer une cartographie commune du territoire, enrichie de photos, de récits et d’histoires,…  de données. Un modèle systémique qui permettrait à chacun de mieux comprendre son environnement. Aujourd’hui, nous habitons souvent des villes que nous ne connaissons pas vraiment. Elles ont changé, évolué, mais nous les percevons encore à travers des prismes et un passé révolus.

Rétablir un récit commun du territoire, c’est en redonner la pleine intelligence à ses habitants. C’est leur permettre de l’incarner et d’en être responsable. C’est aussi leur dévoiler ses potentialités et les inviter à inventer individuellement et collectivement.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *